Emmanuel Macron l’avait annoncé pendant sa campagne: il veut réduire de moitié la mise en décharge et tendre vers le recyclage de 100% du plastique d’ici 2025. Des objectifs ambitieux et nécessaires lorsque l’on sait que l’étape de mise en décharge, c’est à dire mettre à la poubelle, est l’étape à éviter dans une logique d’économie circulaire qui entend supprimer la notion de déchet.
« Aujourd’hui, nous ne savons plus que casser »
La problématique du plastique est bien connue. Des millions de tonnes de plastique sont chaque année mis en décharge et ne sont pas recyclées. Cela a entraîné, entre autres, à créer un « océan de plastique », qu’on appelle également le nouveau continent, soit un continent de plastique qui mesure 6 fois la taille de la France.
En parallèle, de nombreux pays ne savent que faire de leurs déchets et les expédient en Chine. Sauf que la Chine a récemment annoncé qu’elle refuserait désormais les déchets provenant de 24 sources de plastique solide, dont les bouteilles en PET (polyethylene terephthalate)¹. Quand on sait qu’en Angleterre par exemple, ce sont rien de moins que 2,7 millions de tonnes de plastique qui ont été expédiées en Chine et Hong Kong depuis 2012, soit 1/3 des déchets de l’Angleterre, il y a de quoi avoir le tournis. En 2016, la Chine a importé 7,3 millions de tonnes de déchet plastique provenant de pays développés incluant l’Angleterre, les Etats Uni et le Japon. En matière de plastique, certains chiffres sont tout aussi affolants. Savez-vous que rien qu’en Angleterre, 2,5 milliards de tasses jetables sont utilisées et jetées chaque année et seulement 1 tasse sur 400, soit 0,25% est recyclée ?
L’économie circulaire
Pour résoudre la problématique du plastique et des déchets, très polluants et dangereux pour notre bien-être et celui de la planète, il y a l’économie circulaire. L’économie circulaire consiste à voir les flux économiques non plus de manière linéaire, mais de manière circulaire et vertueuse. Dans une économie linéaire, on extrait des ressources, on fabrique, on utilise puis son jette. Dans une économie circulaire, on optimise l’extraction des ressources, on fabrique de manière optimale (eco-design), on utilise le produit et on supprime la notion de déchet. Plutôt que de jeter, on va mettre en place des solutions de réemploi du produit, de réutilisation et enfin de recyclage pour créer un cercle vertueux.

Les bienfaits de l’économie circulaire ne sont plus à prouver. L’ensemble des experts aux 4 coins du monde prônent un changement des économies linéaires pour une économie circulaire car c’est la solution qui permettrait de continuer à vivre dans nos sociétés actuelles sans épuiser les ressources et sans continuer à produire des déchets polluants et coûteux pour les entreprises.
Après plusieurs mois de travail, en concertation avec les parties prenantes, le premier ministre français Edouard Philippe a présenté le lundi 23 avril 2018 la feuille de route de la France pour une économie 100% circulaire. Il a profité d’une visite de l’usine SEB à Mayenne pour présenter les mesures phares décidées par le gouvernement.
Edouard Philippe et l’éco circulaire à Mayenne le 23 avril 2018
« Il nous faut un jouet neuf tous les jours jour et nous sommes constamment tenus en haleine par les inventeurs qui nous créent des besoins ridicules »
Edouard Philippe cite cette phrase de l’écrivain Paul Morand, écrite dans un essai court, l’Eloge du repos, publié en 1937. Plus loin dans son discours, il cite un autre passage: « il n’y a pas si longtemps, l’homme avait avec l’outil un contact conscient, il savait comment on le fait, comment on le casse, comment on le répare, mais aujourd’hui nous ne savons plus que casser ».
3 notions clés sont citées :
Acheter robuste
Acheter robuste permet de moins jeter. C’est parfois plus cher, mais ça dure plus longtemps. Edouard Philippe promeut dans son discours le made in France et le made in Europe, plus robuste et de meilleure qualité.
Consommer moins
Edouard Philippe rappelle qu’il est important de respecter le produit et ceux qui l’ont fabriqué avec beaucoup de savoir-faire et de soin. Il rappelle qu’en plus, consommer moins, mieux, solide, durable et de qualité, c’est tendance et ça fait vendre. Il est judicieux pour les entreprises d’en profiter et de surfer sur la vague.
Consommer c’est choisir
Edouard Philippe rappelle également une notion cruciale: consommer c’est choisir. Il implique par là la responsabilité du consommateur dans ses choix. Il rappelle à juste titre que si on veut que le consommateur soit responsable, il doit avoir de l’information de qualité. Le consommateur doit être documenté, de manière simple et claire, pour pouvoir choisir.
Le gouvernement français rappelle quelques chiffres sur la vie des produits.


Les mesures phares de la feuille de route
La feuille de route de l’économie circulaire est articulée sur 2 axes: allonger la durée de vie des produits et développer la réparation. Elle comprend 50 mesures.
Parmi les mesures phares, on retrouve:
Pour le citoyen et le consommateur
L’objectif est d’orienter la consommation vers les produits les plus robustes qu’on peut réparer facilement.
- Les logos et informations sont aujourd’hui trop complexes sur les produits pour le consommateur. La France veut faire afficher de manière obligatoire à partir de 2020 pour les équipements électriques, électroniques et électroménagers une information simple sur leur durée de vie à travers un indice qui intégrera des critères sur leur réparabilité et leur durabilité. La France portera cette mesure au niveau européen dans le cadre de la révision des directives relatives à la vente de biens pour faire de cette information sur la réparabilité des produits une obligation communautaire harmonisée.
- Faciliter le dépôt de plainte pour les consommateurs auprès des services de la répression des fraudes lorsque les entreprises ne respectent pas la garantie légale de conformité, au moyen d’un portail internet dédié.
- Avant d’en arriver à l’étape de recyclage, il faut favoriser le réemploi. La France veut favoriser le développement de plateformes numériques cartographiant les services de réparation et de réemploi ; mobiliser les éco-organismes pour mettre les informations sur ces services à disposition du public en open data afin que des start-up proposent des applications pour la mise en réseau des réparateurs et leur mise en relation avec les consommateurs.
- Etendre l’obligation d’affichage de la durée de disponibilité des pièces détachées vis-à-vis des consommateurs à l’obligation d’afficher leur éventuelle non-disponibilité.
- Simplifier et harmoniser les règles de tri des déchets sur tout le territoire, en harmonisant les codes couleurs des poubelles de tri.
- Déjà testé par le premier ministre dans sa ville du Havre, pour accélérer la collecte des emballages recyclables, bouteilles plastique et canettes, déployer dans les collectivités volontaires des dispositifs de consigne solidaire où chaque nouvelle bouteille ou canette collectée en plus contribuerait à un fonds dédié à une grande cause environnementale, de santé ou de solidarité.
- 30 millions de portables dorment dans les tiroirs en France et le gouvernement souhaite aider les français à les recycler. La France veut étudier d’ici 2019 le déploiement d’un dispositif financier favorisant la reprise des anciens téléphones portables afin qu’ils soient recyclés ou réemployés.
- Développer des modules éducatifs relatifs à l’alimentation durable et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, en partenariat avec l’Éducation Nationale, afin de renforcer la sensibilisation dès le plus jeune âge.
Pour les collectivités, l’État et les acteurs publics
- La France affiche un taux de valorisation des déchets municipaux de 40% qui est plus bas que ses voisins européens. Aujourd’hui, en France, la mise en décharge est plus lucrative que le recyclage. Il faut inverser cette logique et réduire les charges des collectivités qui mettent en place des mesures en faveur de l’économie circulaire en adaptant la fiscalité pour rendre la valorisation des déchets moins chère que leur élimination, en réduisant le taux de la TVA sur les activités de prévention, la collecte séparée, le tri, la valorisation matière des déchets et en augmentant les tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes pour la mise en décharge et l’incinération. Toutes les collectivités qui s’engagent dans une vraie démarche en faveur de l’économie circulaire verront leurs charges baisser.
- Inciter les administrations à donner les biens en bon état dont elles n’ont plus l’usage au profit de structures relevant de l’économie sociale et solidaire.
- Intégrer l’économie circulaire dans les pratiques d’achat des administrations, par l’utilisation d’au moins 50 % de papier recyclé, l’utilisation de pneumatiques rechapés ou rechapables pour les flottes des véhicules lourds, l’usage de téléphones issus du réemploi…
- Permettre à l’UGAP (Union des groupements d’achat public) et à toute autre centrale d’achat qui le souhaite d’avoir une offre relevant de l’économie circulaire (achat de produits d’occasion, de services relevant de l’économie de la fonctionnalité, etc.)
- Adapter à partir de 2019 les compétences professionnelles pour mieux produire au niveau national et dans les territoires en identifiant les compétences spécifiques nécessaires à certains métiers de l’économie circulaire ; en proposant aux régions une prise en compte accrue des besoins de l’économie circulaire dans les formations professionnelles qu’elles organisent ; en créant des certifications ou des blocs de compétences reconnaissant les compétences contribuant à l’économie circulaire afin de valoriser ces emplois, en particulier dans le secteur de la réparation, du réemploi et de la réutilisation des produits.
Pour les entreprises
Les entreprises de tous les secteurs sont appelées à mieux gérer leurs déchets et à saisir les opportunités industrielles du XXIe siècle : produire mieux, plus durable et en utilisant moins de ressources.
- Engager une concertation avec les acteurs concernés pour créer de nouvelles filières REP² dans le secteur des jouets, des articles de sport et de loisir et des articles de bricolage et de jardin afin de réduire le volume des ordures ménagères résiduelles et développer l’activité de réemploi et de réparation de ces articles, en lien avec l’économie sociale et solidaire.
- Edouard Philippe annonce qu’il souhaite mobiliser les producteurs de cigarettes pour inciter les fumeurs à ne pas jeter leur mégots. Les frais de ramassage sont supportés par les collectivités aujourd’hui et devraient être supportés par les producteurs de cigarettes.
- Pour inciter à l’éco-conception, déployer l’affichage environnemental volontaire des produits et des services dans les cinq secteurs pilotes (ameublement, textiles, hôtels, produits électroniques et produits alimentaires) et l’étendre à d’autres secteurs courant 2018.
- Fixer des objectifs de réemploi, de réutilisation et de réparation aux filières REP et mettre une partie des produits collectés gratuitement à disposition des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
- Avec 247 millions de tonnes de déchets par an, le secteur de la construction est responsable de plus de 70 % des déchets en France. Revoir le fonctionnement de la gestion des déchets du bâtiment pour lutter contre la mise en décharge et permettre leur recyclage : l’instauration d’une filière de responsabilité élargie du producteur appliquée aux déchets du bâtiment est l’une des solutions qui sera étudiée pour parvenir à la gratuité de la reprise de ces déchets.
- Faire valoir d’ici 2019 pour la filière textile les grands principes de la lutte contre le gaspillage alimentaire afin de s’assurer que les invendus de cette filière ne soient ni jetés, ni éliminés.
- Renforcer la lutte contre la publicité incitant à la mise au rebut prématurée des produits et au gaspillage des ressources.
- Pour lutter contre les déchets marins et la pollution des milieux plus généralement, mobiliser l’échelon européen pour interdire l’usage des plastiques fragmentables et les contenants en polystyrène expansé pour la consommation nomade ainsi que les microbilles de plastique.
La feuille de route est disponible en téléchargement ici > https://www.consultation-economie-circulaire.gouv.fr/la-feuille-de-route-economie-circulaire
En conclusion, je ne peux que me réjouir de telles mesures et surtout d’une telle communication en faveur de l’économie circulaire. Certains diront que des notions manquent, que plus de moyens seront nécessaires pour mettre en place ces mesures. Je retiendrai 2 éléments. Premièrement, la rapidité de mise en place de cette feuille de route. 5 mois de concertation et d’ateliers avec les parties prenantes (entre novembre 2017 et mars 2018). C’est ce qu’on peut appeler des petites décisions qui vont avoir un grand impact. Deuxièmement, je retiens la communication efficace et la diffusion massive de la notion même d’économie circulaire. Un dossier de presse très complet avec des chiffres parlants, un site internet clair et dédié à l’économie circulaire. Cela ne peut qu’inciter les citoyens, entreprises et organisations à comprendre et agir. Aujourd’hui j’entends très souvent des personnes, tous profils confondus (chefs d’entreprise, citoyens, etc), me dire qu’ils ne savent pas ce qu’est l’économie circulaire. Voir le premier ministre français parler de « consommer mieux », « consommer durable », « acheter local », et surtout, voir sur son pupitre le texte « pour une économie 100% circulaire », ça ne peut qu’être un message positif pour la transformation durable et pour la diffusion au plus grand nombre des notions de l’économie circulaire.
-> https://www.consultation-economie-circulaire.gouv.fr/
-> https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/
¹ https://www.theguardian.com/environment/2017/dec/07/chinese-ban-on-plastic-waste-imports-could-see-uk-pollution-rise
² REP = Responsabilité élargie des producteurs. Dans le cadre de la REP, les fabricants, distributeurs pour les produits de leurs propres marques, importateurs, qui mettent sur le marché des produits générant des déchets, doivent prendre en charge, notamment financièrement, la gestion de ces déchets. Bien que basée sur la responsabilité individuelle du producteur, la REP peut être assurée par les metteurs sur le marché de manière individuelle ou collective, au travers d’un éco-organisme. Source: http://www.ademe.fr/expertises/dechets/elements-contexte/filieres-a-responsabilite-elargie-producteurs-rep
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Je suis Stéphanie Fellen, ce blog a pour but d'inspirer le changement grâce au partage de solutions innovantes et positives !